mercredi 6 octobre 2010

Hopeful

I often lament about the lack of great French writers or great French films these days. Compared to the beginning of the XXth century French literature has been poor for the past decades, and French movies keep disappointing me.

But I've read the interesting and original Mémoire de La Jungle by Tristan Garcia and I'm reading Michel Houellebecq's La Carte et le Territoire, which is really really good. Besides I saw a couple of weeks ago Xavier Beauvois's Des hommes et des Dieux so there's hope still.

No matter what is said about Houellebecq, he is a good writer and true author –– not the likes of Marc Lévy or Anna Gavalda or Amélie Nothomb who sell so many books every year–– and his last book belongs to Literature with a capital L.

As for Des Hommes et des Dieux (Of Gods and Men), it's the best French film I have seen for a very long time. It won Le Grand Prix in Cannes and many critics consider it should have received la Palme d'or instead of Uncle Boonmee (I haven't seen Uncle Boonmee yet so I can't tell). Xavier Beauvois whose Le Petit Lieutenant I enjoyed very much years ago, really turned out to be an amazing film maker.

Go, run if needed, and see this movie! If you are a movie buff you will be thrilled, if you're a believer you will feel warm, and if you're just a human being you will be deeply touched.

By the way, it's funny to think that a movie like this does much more for the Catholic Church and its Christian values, even though it isn't Xavier Beauvois's intent at all, than The Pope's behaviour or speeches.

Des hommes et des dieux tells the story of the Trappist monks from Tibihirine (a monastery in the Atlas) who died in 1996, during those horrible years in Algeria when the F.I.S party, that had been declared outlaw after it had too much success in elections, tried to conquer power using terrorism while the government (ruled since 1962 by one party, the FLN) fought back using similar means. It was a decade of violence and sheer terror for everybody living in Algeria and a lot of blood has been shed. Seven monks (out of the 9 who lived in the monastery then)were among the thousands victims because they decided to stay over there. Finally they were seized by G.I.A (the F.I.S's army) and their heads were found later...

For a long time their death has been a mystery, even though the official version was that the Islamist terrorists killed them. However last year a former French officer from the secret services finally told a judge what he knew from a fellow Algerian officer but had covered until then for the sake of the French-Algerian relationship: it's likely that it's actually "an error" (I don't know the English word for "bavure") from the Algerian army that killed the monks.

That said, the film isn't about the mystery or about who killed the monks. It's about their last days, about the everyday life that was theirs, about brotherhood, harmony and solidarity; about the fraternity within that religious community but also between the monks and their Algerian neighbours who lived in the village nearby and often shared stuff with the friars and whom the Trappists helped but never tried to convert; about the harmony between men from different cultures (an example of peaceful coexistence between religions) and also between men and nature.

Of course the violence surrounding Tibihirine is there and the film doesn't shy away from the consequences of terrorism or the threat of having the military around, but it isn't a study on terrorism or a documentary on the civil war in Algeria.

It's first and foremost about those men, and at some point, despite the liturgy, the religious singing and the habit, you forget that they are monks, you just see how human they are. They don't live or dies as heroes but as men. And they are simply touching.

You can see the trailer on youtube.

The film is beautifully shot and moving but never falls into melodrama; it isn't austere but it isn't a hollywood movie either!

Beauvois films the everyday life of the monks like he filmed the everyday life of a police station in Le Petit Lieutenant. His movie has the realism of a documentary but also the lyricism of an opera. There are the beautiful landscapes of the Atlas, the camera indulging in a contemplative side that suits the Cistercian order; there's the quiet of working the land and another kind of quiet that comes from the hymns they sing; there are also moments of smile and moments of tears.
The cast is brilliant; Michael Lonsdale is a wonderful brother Luc, Lambert Wilson isn't bad as Christian (he's even quite good when he stops watching himself act) and I was impressed by Olivier Rabourdin as brother Christophe (on the picture above). The most beautiful scene in the film, as the monks are having a Last Supper together while listening to The Swan Lake and drinking burgondy wine, is rather daring and could have been terrible but was poignant and powerful. I couldn't help crying then.

Those monks won't be forgotten.

J'ai, il est vrai, un certain penchant pour les moines du fait de ma formation de médiéviste et de ma spécialité. C'est aussi tout le paradoxe de l'athée chez moi qui, pour refuser toute idée de divinité et de transcendance, est néanmoins sensible au sacré.

Et puis les communautés monastiques fascinent du fait de leur clôture.

Pourtant, comme je le disais plus haut, on finit par oublier que ce sont des religieux appartenant à un ordre cistercien de la plus stricte observance. On ne voit plus que leur humanité. Ces hommes ont peur, sont tentés de fuir, ont des faiblesses et des doutes. On aurait pu s'attendre de leur part à une plus grand fascination pour le martyre, et le sujet bien sûr est évoqué, mais le film insiste sur le fait qu'ils n'ont pas envie de mourir. D'ailleurs deux d'entre eux réussissent à se cacher la nuit où les Islamistes débarquent pour les prendre en otages, et survivent ainsi à leurs frères.


Xavier Beauvois réussit le tour de force de faire un film sur le quotidien et l 'intimité de ces Trappistes sans tomber dans la froide observation ni signer une hagiographie ou un film prosélyte. Pour comprendre ces hommes, nul n'est besoin d'être catholique ou même croyant, et s'ils parlent de dieu et de foi (comment pourrait-il en être autrement?), il ne s'agit pas pour le film de faire passer un message religieux. On est bien loin d'un film de propagande ou d'une bondieuserie sur fond de terrorisme. Le film parle des hommes et non des dieux, et c'est en révélant ces hommes, et l'amour qui les unit, que Xavier Beauvois finalement montre ce qu'est la foi.

Les différentes personnalités des moines sont ainsi révélées sans grands discours mais par le biais de petits détails ou grâce à l'interprétation habitée des acteurs. On devine que certains d'entre eux ont eu une vie "normale" avant d'entrer en religion; on comprend que les choix ne sont jamais simples, même pour des hommes qui ont voué leur vie à une mission.

Que de grâce et de pudeur dans ce film, dans la manière dont la caméra filme les êtres, que ce soit dans les scènes intérieures ou extérieures. Beauvois n'a jamais recours aux grosses ficelles mais s'attache à soigner l'esthétique de son film. Les relations entre les individus sont subtilement montrées, qu'il s'agisse des moines entre eux (merveilleuse scène de vaisselle entre Luc et Christophe!), ou des moines avec les villageois musulmans. Les scènes où frère Luc, qui est médecin, s'occupe des villageois–– ou même d'un terroriste blessé–– dans son dispensaire, ou ces instants qui mettent en scène une jeune fille du village bavardant ou travaillant avec un moine sont simples et beaux, et constituent un parfait contrepoint aux offices très ritualisés et aux scènes de psaumes à l'intérieur du monastère.

On comprend peu à peu que ces hommes qui ont fait un choix de vie assez fou en partant vivre dans ce lieu isolé de l' Atlas, se sont libérés des étiquettes habituelles. Sont-ils encore Français? Se considèrent-ils comme Trappistes? Comme Chrétiens par opposition aux Musulmans qui les entourent? C'est peu probable. Ils n'appartiennent plus qu'à une mission spirituelle, à un idéal de fraternité qui les attache à une terre et à d'autres hommes, rendant la fuite impossible (la tentation de se sauver est forte pour certains, mais cela signifierait abandonner les frères, ceux du monastère et ceux du village), et paradoxalement cette mission et cette spiritualité les incarnent.

Ils sont "en religion" au sens étymologique du terme (selon St Augustin et non pas Cicéron), reliés au sein de leur communauté de Tibhirine entre eux (d'ailleurs les contacts physiques augmentent au fil du film) et à leur dieu (mais celui-ci reste dans l'arrière-plan), et reliés au reste du genre humain (y compris les Islamistes qui tuent et égorgent), mais délivrés de toutes autres entraves; ils sont au service du monde et des autres (et l'autre c'est d'abord ces Musulmans qui vivent près d'eux); ainsi le dit avec malice frère Luc, interprété par le magistral Michael Lonsdale (magistral à l'écran mais en piteux état dans la vie réelle pour ce que j'ai pu voir il y a quelques mois quand je l'ai croisé dans le métro), "laissez-passer l'homme libre".

Des hommes libres, insoumis, que la menace des armes ne peut faire céder, c'est ce qu'ils deviennent tous en fin de compte. L'idéal de fraternité est omniprésent dans le film mais l'essence de leur foi semble résider dans ce libre-arbitre qu'ils défendent. Être libre procure de la joie mais a un prix, ce que la fameuse scène de leur ultime repas, véritable Cène moderne sur la musique de Tchaïkovsky, montre bien, alors que la caméra se rapproche des visages et plonge enfin dans les regards. Cette scène est incroyable, c'est un véritable tsunami émotionnel.

J'aime ce film précisément parce qu'il n'est pas religieux, mais républicain, et c'est en Algérie (au Maroc en fait) qu'il nous parle de ce devrait être la France. Dans un article Xavier Beauvois a d'ailleurs déclaré que la devise "Liberté, égalité, fraternité" pouvait résumer son film.

Le seul reproche que j'aurais à formuler concerne la voix off, tirée des écrits de frère Christian, à la fin du film. Le moine écrivait bien mais le texte paraît redondant, et j'aurais préféré voir simplement la colonne des moines et de leurs ravisseurs disparaître dans la brume neigeuse de l'Atlas, marchant vers un destin tragique que l'on connait déjà mais dont les détails resteront mystérieux.

Mais on dirait que lorsqu'il s'agit de parler de foi, les images ne suffisent plus et il faut, qu'au final, le Verbe soit.